Quand ma mère m'a accouché, en septembre 1974, j'étais tout rabougris, tout rouge, tout nu et je hurlais au monde mon mécontentement. Il y avait de quoi! la Nature m'exilait de l'utérus maternel vers un Monde aussi froid que sordide. Trop de lumière, pas assez de silence, plus question de flotter, j'allais m'allourdir et caller dans la réalité.
Côlisse, dis-je.
Rien n'allait me sauver! pas ma nudité, pas ma pureté de nouveau né, pas ma naïveté...Surtout pas la naïveté.
La naïveté, du latin nativus ou «qui arrive au monde». C'est le moment magique ou le monde se livre à nos sens comme un décors de cinéma: parfait, fait à notre mesure et prêt à nous accueillir sous son aile.
Jusque là, pas de neuf. On connaît le feelin. Après tout arrache et tombe en morceaux. On vieillit, on subit des échecs amoureux, professionnels, artistiques, etc. Ensuite, on crève. Entre les deux, on devrait être avoir quelques orgasmes, une couple de souper entre amis et quelques heures de bons temps. C'est ça la vie mon chum, en dehors des crises et des crises existentielles (et on fini par s'habituer même à ça), on ne vit pas vraiment: le trois quart du temps on travaille, on endure en attendant la retraite ou le prochain break.
Fini la magie, au diable la naïveté, Fuck le romantisme, à go on se compte des peurs.
Détrompez-vous il y a de l'espoir! C'est vrai je vous dis, de la naïveté, de la magie et du romantisme il y en a encore tout plein! Il faut juste laisser tomber Walt Disney.
Tenez, je déjeunais dans un resto que l'habitude me fais apprécier, même si à bien y penser, tout y est ordinaire. Heureusement qu'on a ça «l'habitude», ça nous fait endurer la bullshit plus longtemps et, du coup, ça améliore la qualité de vie. Je le connais vraiment bien ce resto là puisqu'à six ans, j'allais y boire des nectars avec mon padre. Tout était parfait à ce moment là, je demandais un nectar à une madame que je ne connaissais pas mais qui connaissait mon nom et mes préférences. J'étais un roi dans ce café là. Plus tard, j'allais étudier en mangeant tout ce que mon argent de poche me permettait:un café avec un morceau de pouding au pain. Je devais faire un peu pitié, le proprio de l'époque a fini par m'engager à la plonge. Ensuite, profitant du départ d'un serveur, je lui ai volé sa job.
Auourd'hui, je connais les recettes, le menus, la caisse enregistreuse, les numéros de tables. Je peux vous dire que la qualité de la bouffe est nulle, comme dans tout les restos de ce genre. Que vous vous faites arnaquer à chaque fois que vous commandez quelques chose qui coûte plus que 5$...et que c'est bien juste votre problème. Le personnel le sait, la direction le sait, vous le savez peut-être. Sachant tout cela, n'allez pas être surpris si je suis servi avant vous, avec plus d'égards et avec une plus grosses portion de frites...on achète mon silence.
Cette journée là, un client arrivé avant moi à été servi après et avec moins d'égarts. Compréhensif, il me dit :« Tu dois être un régulier, hein?». Je lui réponds par l'affirmative en ajoutant que j'y avais déjà travaillé. Il me rétorque qu'un personnel plus «professionnel» aurait dû me faire attendre (puisque que je suis supposé être compréhensif, puisque je connais la nature de l'ouvrage) plus longtemps pour lui donner à lui un service 4 étoiles. Bref, que ma présence aurait dûe lui garantir un meilleur service.
Ça, lui dis-je, c'est ce qu'on veut te faire croire mon chum.
J'ai vu dans ses yeux qu'il venait de comprendre quelque chose de la vie de client. Je venais de lui donner sa passe «backstage» dans le monde merveilleux de la restauration. Dans un restaurant, pas mal plus que dans un bar, le client à la même importance que la valeur de son repas.
Sa valeur «humaine» venait de se faire sérieusement emboutir. Dignité? mon oeil.
Vous êtes dignes?
Ça, c'est qu'on veut vous faire croire mes chums.
Ah, une autre histoire de naissance au monde et de naïveté:
Vers 1h hier soir, deux hommes se présentent à mon bar, ils sont déjà intoxiqués mais comme ils se tiennent debout et que je n'ai pas une grosse soirée, je décide de les endurer même si le mot «motté» flotte en lettres de feu au-dessus de leurs têtes. Les mottés sont différents des métalleux, gothiques, punks ou des hippies. Tout ceux-là adoptent consciemment un style. Même ceux qui sont idiots se reconnaissent dans tel genre ou dans l'autre. Un motté quant à lui, ne se reconnaît pas. Il ne se sait pas «motté», sont existence est d'une simplicité désarmante et c'est précisément ce qui nous écoeure tant de ce genre de personne là.
Un des deux gars me regardait intensément alors je m'approche pour lui demander la raison de ce regard là. Il me dit qu'il s'inquiète de ma «valeur» personnelle. Il veut mesurer de quoi je suis fait. Perplexe, je lui demande pourquoi il a de telles interrogations. Sourd à ma question, il me raconte un scénario dans lequel il se fait assaillir par certains de mes clients à l'air belliqueux et il termine par une question très pertinente: «si on m'attaque, est-ce que tu te sacrifierais pour me défendre?». Je me suis mis à rire en ajoutant que non. Un peu insulté, il me demande la raison de mon refus. Je lui ai platement répondu qu'il n'en valait pas la peine.
Comprenez-moi bien, je n'ai aucun compte à rendre aux mottés. C'était la vérité, toute simple, de lui, de sa vie, de sa santé...j'en ai rien à battre. Est-ce que j'allais, encore une fois, perdre de l'énergie à jouer l'hyppocrite et à maintenir une façade humaniste et soucieuse de mon «prochain»? non, je laisse ça aux chrétiens.
Outré, le motté s'est énervé et a voulu «m'éduquer» en tentant de m'administrer une «correction». Dommage pour lui, je suis plutôt en forme. Constatant qu'il allait se faire mettre dehors dans une posture embarassante (c'est-à-dire un bras dans le dos, à moitié étranglé et sur le bout des pieds), il s'est jetté au sol en feignant de me narguer. Je ne sais pas à quoi les gens pensent? au sol, même si la gravité est de votre côté, vous être vulnérable...ne faites JAMAIS ça. Je l'ai traité de fif, il est resté au sol, je l'ai sorti...lui, un homme de 35 ans au moins, par le fond de culotte et en poche de patate.
Au total je l'ai sorti 4 fois. Il m'attendais dans la rue en me menaçant. J'approchais, il se sauvait. L'incarnation de la faiblesse humaine. La dernière fois que j'ai eu à le mettre dehors, une gang de filles rigolait à chaudes l'armes. Je lui ai discrètement dit à l'oreille :«ça fait quatre fois que je t'humilie en public...t'es pas tanné?».
Le ciel s'est ouvert et un rayon de lumière est tombé sur le motté. Pour la première fois peut-être en 30 ans, il s'est vu pour ce qu'il est. Le voile s'est déchiré pour lui et avec une lucidité catastrophique, le motté a perdu sa naïveté.
Un motté de moins. Il est parti la tête basse mais sans le savoir, il m'a fait du bien.
Chaque panneau réclame sur la rue, chaque one-liners publicitaires, chaque appels à a dignité et à la démocratie, toute les chansons d'amour, les odes à la jeunesse, la mode, l'envie d'être authentique, d'être soi-même...autant de manifestations de naissances, de venue au monde et de message d'espoir.
Espoir, du latin sperare qui veut dire «attendre» ou en «attendant que»...en attendant quoi? que la «vraie» vie arrive?
La naïveté existe encore, je vous jure. C'est plein de magie partout...et croyez-le ou non, c'est un bon show.
Côlisse, dis-je.
Rien n'allait me sauver! pas ma nudité, pas ma pureté de nouveau né, pas ma naïveté...Surtout pas la naïveté.
La naïveté, du latin nativus ou «qui arrive au monde». C'est le moment magique ou le monde se livre à nos sens comme un décors de cinéma: parfait, fait à notre mesure et prêt à nous accueillir sous son aile.
Jusque là, pas de neuf. On connaît le feelin. Après tout arrache et tombe en morceaux. On vieillit, on subit des échecs amoureux, professionnels, artistiques, etc. Ensuite, on crève. Entre les deux, on devrait être avoir quelques orgasmes, une couple de souper entre amis et quelques heures de bons temps. C'est ça la vie mon chum, en dehors des crises et des crises existentielles (et on fini par s'habituer même à ça), on ne vit pas vraiment: le trois quart du temps on travaille, on endure en attendant la retraite ou le prochain break.
Fini la magie, au diable la naïveté, Fuck le romantisme, à go on se compte des peurs.
Détrompez-vous il y a de l'espoir! C'est vrai je vous dis, de la naïveté, de la magie et du romantisme il y en a encore tout plein! Il faut juste laisser tomber Walt Disney.
Tenez, je déjeunais dans un resto que l'habitude me fais apprécier, même si à bien y penser, tout y est ordinaire. Heureusement qu'on a ça «l'habitude», ça nous fait endurer la bullshit plus longtemps et, du coup, ça améliore la qualité de vie. Je le connais vraiment bien ce resto là puisqu'à six ans, j'allais y boire des nectars avec mon padre. Tout était parfait à ce moment là, je demandais un nectar à une madame que je ne connaissais pas mais qui connaissait mon nom et mes préférences. J'étais un roi dans ce café là. Plus tard, j'allais étudier en mangeant tout ce que mon argent de poche me permettait:un café avec un morceau de pouding au pain. Je devais faire un peu pitié, le proprio de l'époque a fini par m'engager à la plonge. Ensuite, profitant du départ d'un serveur, je lui ai volé sa job.
Auourd'hui, je connais les recettes, le menus, la caisse enregistreuse, les numéros de tables. Je peux vous dire que la qualité de la bouffe est nulle, comme dans tout les restos de ce genre. Que vous vous faites arnaquer à chaque fois que vous commandez quelques chose qui coûte plus que 5$...et que c'est bien juste votre problème. Le personnel le sait, la direction le sait, vous le savez peut-être. Sachant tout cela, n'allez pas être surpris si je suis servi avant vous, avec plus d'égards et avec une plus grosses portion de frites...on achète mon silence.
Cette journée là, un client arrivé avant moi à été servi après et avec moins d'égarts. Compréhensif, il me dit :« Tu dois être un régulier, hein?». Je lui réponds par l'affirmative en ajoutant que j'y avais déjà travaillé. Il me rétorque qu'un personnel plus «professionnel» aurait dû me faire attendre (puisque que je suis supposé être compréhensif, puisque je connais la nature de l'ouvrage) plus longtemps pour lui donner à lui un service 4 étoiles. Bref, que ma présence aurait dûe lui garantir un meilleur service.
Ça, lui dis-je, c'est ce qu'on veut te faire croire mon chum.
J'ai vu dans ses yeux qu'il venait de comprendre quelque chose de la vie de client. Je venais de lui donner sa passe «backstage» dans le monde merveilleux de la restauration. Dans un restaurant, pas mal plus que dans un bar, le client à la même importance que la valeur de son repas.
Sa valeur «humaine» venait de se faire sérieusement emboutir. Dignité? mon oeil.
Vous êtes dignes?
Ça, c'est qu'on veut vous faire croire mes chums.
Ah, une autre histoire de naissance au monde et de naïveté:
Vers 1h hier soir, deux hommes se présentent à mon bar, ils sont déjà intoxiqués mais comme ils se tiennent debout et que je n'ai pas une grosse soirée, je décide de les endurer même si le mot «motté» flotte en lettres de feu au-dessus de leurs têtes. Les mottés sont différents des métalleux, gothiques, punks ou des hippies. Tout ceux-là adoptent consciemment un style. Même ceux qui sont idiots se reconnaissent dans tel genre ou dans l'autre. Un motté quant à lui, ne se reconnaît pas. Il ne se sait pas «motté», sont existence est d'une simplicité désarmante et c'est précisément ce qui nous écoeure tant de ce genre de personne là.
Un des deux gars me regardait intensément alors je m'approche pour lui demander la raison de ce regard là. Il me dit qu'il s'inquiète de ma «valeur» personnelle. Il veut mesurer de quoi je suis fait. Perplexe, je lui demande pourquoi il a de telles interrogations. Sourd à ma question, il me raconte un scénario dans lequel il se fait assaillir par certains de mes clients à l'air belliqueux et il termine par une question très pertinente: «si on m'attaque, est-ce que tu te sacrifierais pour me défendre?». Je me suis mis à rire en ajoutant que non. Un peu insulté, il me demande la raison de mon refus. Je lui ai platement répondu qu'il n'en valait pas la peine.
Comprenez-moi bien, je n'ai aucun compte à rendre aux mottés. C'était la vérité, toute simple, de lui, de sa vie, de sa santé...j'en ai rien à battre. Est-ce que j'allais, encore une fois, perdre de l'énergie à jouer l'hyppocrite et à maintenir une façade humaniste et soucieuse de mon «prochain»? non, je laisse ça aux chrétiens.
Outré, le motté s'est énervé et a voulu «m'éduquer» en tentant de m'administrer une «correction». Dommage pour lui, je suis plutôt en forme. Constatant qu'il allait se faire mettre dehors dans une posture embarassante (c'est-à-dire un bras dans le dos, à moitié étranglé et sur le bout des pieds), il s'est jetté au sol en feignant de me narguer. Je ne sais pas à quoi les gens pensent? au sol, même si la gravité est de votre côté, vous être vulnérable...ne faites JAMAIS ça. Je l'ai traité de fif, il est resté au sol, je l'ai sorti...lui, un homme de 35 ans au moins, par le fond de culotte et en poche de patate.
Au total je l'ai sorti 4 fois. Il m'attendais dans la rue en me menaçant. J'approchais, il se sauvait. L'incarnation de la faiblesse humaine. La dernière fois que j'ai eu à le mettre dehors, une gang de filles rigolait à chaudes l'armes. Je lui ai discrètement dit à l'oreille :«ça fait quatre fois que je t'humilie en public...t'es pas tanné?».
Le ciel s'est ouvert et un rayon de lumière est tombé sur le motté. Pour la première fois peut-être en 30 ans, il s'est vu pour ce qu'il est. Le voile s'est déchiré pour lui et avec une lucidité catastrophique, le motté a perdu sa naïveté.
Un motté de moins. Il est parti la tête basse mais sans le savoir, il m'a fait du bien.
Chaque panneau réclame sur la rue, chaque one-liners publicitaires, chaque appels à a dignité et à la démocratie, toute les chansons d'amour, les odes à la jeunesse, la mode, l'envie d'être authentique, d'être soi-même...autant de manifestations de naissances, de venue au monde et de message d'espoir.
Espoir, du latin sperare qui veut dire «attendre» ou en «attendant que»...en attendant quoi? que la «vraie» vie arrive?
La naïveté existe encore, je vous jure. C'est plein de magie partout...et croyez-le ou non, c'est un bon show.
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