14/08/2007

Eros, un pouce à la fois.

Il y a eu une période de ma vie ou je voyais tout en grand. Chaque objet, chaque personne, chaque bâtiment ou chaque lieux, tout était titanesque et chaque jour de ma vie était un événement aussi grandiose qu'original. Mon destin était celui d'un Olympien ou d'un extra-terrestre en collants. Entre les deux, il y avait Luke Skywalker dont les aventures faisait une bonne job de me rappeler qu'avec l'héroïsme venaient aussi les drames. C'est que voyez-vous, à 6 ans déjà, la supériorité de mes facultés morales et intellectuelles ne faisait aucun doute, j'allais corriger le Gros Giguère et mordre la poussière peut-être, mais j'allais planter la honte dans son âme de 8 ans. J'étais le champion toutes catégories du calcul mental (je l'ai été jusqu'en 3ème année) et tant pis si tout les autres ne s'en préoccupait pas puisque c'est moi, et non pas eux, qui allait explorer l'espace, combattre des incendies et redresser les tords. J'étais un Élu.

Puis un jour, alors que notre professeur nous projettait un film à succès; le Gang des Bmx, on me surpris, totalement inconscient des 20 autres élèves qui m'entouraient, à sucer mon pouce.

Petit, face à une vingtaine de monstres sans âmes ni consciences, prêt à tout pour détruire ma confiance naissante de jeune mâle et seul à subir les assauts sans merci du karma: Le Gros Giguère qui faisait un clown de moi et moi, tout gêné, planté là avec ma coupe bol, le pouce humide, à balancer mon amour-propre sur cette caricature à moitié obèse de moi-même.

C'est la première honte que j'ai appris à gérer. Comme une maladie que je cachais sous l'oreiller à chaque soir de peur que, animé d'une volonté propre, mon osti de pouce se fraye un chemin dans ma bouche. Drôle de relation avec ma main, n'est-ce pas? Ce pouce était une nuisance quotidienne: Il ne voulait pas me quitter, dès que ma garde descendait et que mon esprit vagabondait, cette...chose...se plantait là et commandait à mon corps de le têter! Plus tard, à l'adolescence, mon pouce est devenu un très bon amis et à ce jour, notre relation reste inchangée, mais c'est une autre histoire.

J'ai sucé mon pouce jusqu'à l'âge de 10 ans (au moins), probablement 12, faut voir. La force de mon membre était telle que sous son emprise je me cachais pour le sucer. J'étais devenu un habitué du pouce, un junkie du têtage et ma vie devenait un enfer. Un jour, peu après que ma mère m'eut bordé, mon matelas s'entrouvrit et je me sentis qu'on m'entraînait vers les profondeurs moites de l'Érèbe où un homme avec d'énormes yeux creux et un minuscule mentons m'attendais, assis sur un banc de parc, tout en tirant des bouts de pain à des pigeons morts. De toute la force de mes petits poumons, j'appelai ma mère mais mon pouce m'étouffais. Panique! Ce doigt diabolique m'assassinait par asphyxie! Mon coeur galopait, mon corps était traversé par des convulsions, c'était comme si un attelage doré me passait sur le corps, m'écrasant sous les roues du char. Juste avant de sombrer définitivement dans une torpeur morbide, j'entendi le vieillard aux pigeons me dire: «Tu déambules dans la vie comme une pute sans trottoir». La fin de ce cauchemar juvénile m'échappe mais en me levant le matin suivant, j'interrogeai ma mère à propos de quelque chose qui me fascinait: « M'man, c'est quoi une pute?»

Ce qui surprend, c'est que ma frayeur ne naissait pas d'un moment passé dans le salon d'Hades, ou d'une scène carnavalesque mettant en scène des pigeons morts, elle venait de la très humaine crainte d'un petit garçon d'être pris alors qu'il commet un acte honteux: sucer son pouce. L'enfant que j'étais, le héros en moi, me demandait, que dis-je? Me commandais de préserver ma dignité puisqu'après tout, j'étais une âme jeune peut-être, mais noble. Dans ces cas-là, il ne reste à la noblesse qu'à justifier ses actes. Un fumeur fume parce qu'il aime ça, un buveur boit pour les mêmes raisons, un junkie aussi...alors pourquoi pas un suceur de pouce? J'aimais tellement sucer mon pouce que j'en faisais une profession. Il m'aidait à dormir, il me réconfortait dans mes moments sombres, il me réconciliait avec le monde froid et débile qui, de toute façon, ne comprenait pas le culte que je vouais à mon pouce. Je ne ressentais plus de honte, juste du mépris face aux autres enfants qui ne souhaitaient que m'humilier, mon pouce et moi. Dorénavant, j'allais être seul et réservé. J'allais faire l'économie de mes amis, seuls ceux qui le méritaient pouvait me cotoyer.
L'existence de mon pouce me détournait des mondanités insignifiantes de la cours d'école, des premiers flirts insipides avec les petites grosses en manque d'attention, des sports et des chefs d'équipes qui me choisissaient toujours en dernier. À la place, ce pouce que je têtais tant, m'amenait à considérer la valeur des plaisirs solitaires: la lecture, l'observation et la méditation...et j'en passe. Ma première relation de couple, c'est avec mon pouce que je l'ai eu. Nous étions inséparables, unis, nous nous foutions du monde, des gens, des conventions et des ouïes-dires. Je connaissais le bonheur et au diable la cours d'école que je trouvais alors lourde comme une enclume. Je forgerais moi-même mon propre caractère et avec l'aide de mon pouce adoré, j'allais devenir premier ministre, ou astronaute, et tous les envoyer en prison!

Puis vînt la guerre.

Elle s'appelait Isabelle. Elle n'était pas la plus belle, mais elle était de ma taille au moins. Elle aimait parler et lire et de son balcon au troisième, elle avait assez de sex-appeal pour au moins trois petits bonhommes et leurs pouces. Un jour, alors que j'avais prétexté l'achat d'une pinte de lait au dépanneur, je la raccompagnais chez elles et je le jure, j'ai vu les Moires danser dans ses cheveux! Elles étaient trois et elles observaient la scène avec le détachement d'un spectateur qui connaît la fin de l'histoire. Elles étaient calmes souriantes, avec de petites pattes d'oies aux coins des yeux qui présageaient l'approche d'une surprise. Mon destion était signé, si quelqu'un avait su parlé aux étoiles, il aurait sans doute lu nos deux noms gravés dans la voûtes céleste! C'était elle, c'était la mienne, j'allais connaître une femme!

-C'est vrai que tu suces ton pouce?

C'était Pandore! Malheur! sale pute! Tout les maux de la terre jaillirent dans cette misérable phrase! j'étais défait. L'ennemi était dans la ville et mes remparts en ruines encombraient la plaine de ma jeune virilité! J'étais détruit, Rome était en flamme, Attila me mettait à feu et à sang! mon pouce, Brutus, m'avait trahi.

La queue entre les jambes et la main mutilée, j'allai me terrer comme un rat dans les profondeurs de ma douillette tandis que l'Érèbe me sortait par les paupières et qu'encore une fois, j'étais porté par un vent, humide et froid, vers les cîmes où vivent les Nornes et la mauvaise fortune. C'est sous la forme d'un grand corbeau que j'arrachai un oeil à la première et cria aux deux autres: plus jamais.

Plus jamais une femme ne me prendrait en flagrant délit de vulnérabilité. Leur cruauté n'aurait d'égal que mes charmes.

J'étais naïf car à mon insu, la nature jouait contre moi. Je voulais les femmes, je désirais leur attention, même chétif et frêle, j'avais la volonté et la libido d'un mâle alpha sans en avoir le bras. Je ne pouvais pas les avoir par la force et l'athlétisme? Qu'à cela ne tiennee les aurais par la ruse et la séduction.

J'étais condamné, mon destin était scellé. J'étais un flirt-a-olic.











4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me demande ce que Sigmund penserait de tout cela....
À cet âge, moi j'avais un club de lecture dont non seulement j'étais la présidente, mais en étais également la seule membre.
La lolotte aux nibards et le suceur de pouces auraient-ils pû être amis?

Bacchus a dit…

Sigmund aussi suçait sont pouce, il aurait sûrement eu de la sympathie pour mes malheurs :)

Un club de lecture avec seulement juste un membre...wow! On aurait probablement fait de très bons amis!

Bacchus a dit…

pis, qu'est-ce qu'elle a dit ta psy?

Anonyme a dit…

haha! Elle a dit que j'étais pas encore guérie! Et elle m'a donné un devoir à faire cette semaine... Je te dis, la thérapie, c'est pas d'la tarte!

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