25/07/2007

Qui suis-je?

On me demandait récemment qu'est-ce que mon nom signifiait. Je n'ai pas répondu tout de suite, préférant à la place retourner la question à mon interlocutrice. J'admets qu'on pourrait y voir un soupçon de pédanterie, mais ce n'est pas le cas. Je n'étais pas en train de jouer d'érudition et je n'usurpais pas non plus le rôle de professeur. J'étais simplement curieux de voir comment qu'elle sens elle donnait à mon choix «d'identité secrète».

«Bacchus», dit-elle, «c'est le dieu du vin. T'es barman, tu incites le monde à boire». Elle n'avait pas tord, en fait, elle a bien raison. Mais ça c'est la version superficielle.

Bacchus c'est le nom romain de Dionysos, dieu du vin et de l'agriculture chez les grecs de l'antiquité. C'est une drôle de figure. Dionysos est un des rares dieu à être né d'une mortelle, à avoir été elevé par un satyre qu'on aime tous: Silène. C'est un Dieu avec un trouble de personnalité, toujours étranger, constamment en rupture avec la réalité. C'est le dieu du vin peut-être mais surtout au sens où la boisson nous transforme. L'alcool déforme les choses et fait disparaître l'identité, l'ivrogne cesse d'être ce qu'il est, il s'oublie et se transforme en quelqu'un de flou et d'imprévisible. Il n'est plus lui-même.
C'est analogue à avoir peur de la mort. Ce qui effraie c'est de cesser d'être ce qu'on est, ce qui nous identifie et nous rend unique. C'est la perte de notre identité dans la mort qui présente un problème: on voudrait hurler «Je, Je, Je» même après notre décès. C'est paradoxal, en mourrant, on ne cesse pas d'être au contraire...on retourne dans l'écosystème, mais notre nom lui, s'efface. Ce de quoi le «Je» est fait s'anéantit.
Donc, pourquoi Bacchus? Parce que c'est le nom de la rupture, de l'altérité, du conflit et du flou de l'existence. C'est un affront à l'absolu. Bacchus c'est le nom qu'on donne au mouvement qui provoque le doute et qui fait surgir les question qui chambardent tout, c'est la perspective du non-savoir, c'est aussi la limite de la vérité, c'est la mort de Dieu.

C'est le début de la philosophie et sa pratique. Comme c'est ce que je fais le plus dans la vie, le choix me semblait facile et naturel.

En plus, ça ce dit mieux que Dionysos que je laisse volontier à d'autre.

Mais ce n'est pas tout. Bacchus a une personnalité changeante et j'essaie d'en faire l'inventaire:

Un aspect de celle-ci est sur Myspace, un autre est sur Facebook, un autre, plus insignifiante est sur Hi5. J'ai 2 comptes internet, je me suis inscrit sans rougir sur Monclasseur et sur réseau contact il y a longtemps. J'ai un blogue ici même, je participe à des forums, j'ai un cellulaire, internet...

Je suis tellement partout à la fois que je peine à m'y retrouver. Est-ce que c'est ça l'existence en 2007? Des outils de réseautage pour sauver du temps, pour s'éviter de sortir et de se taper toute la bullshit inhérente aux rencontres sociales dans les bars et les lieux publiques?

Est-ce que ce ne serait pas l'aveu pistonné et teinté de cynisme d'une génération de perdus et de Bacchusses? L'aveu que, d'une certaine façon, le monde nous dérange, qu'il ne nous convient plus, qu'il nous épuise et nous prend notre fabuleuse énergie? Est-ce que, en participants corps et âmes, à ce nouveau monde virtuel, on ne serait pas en train de faire face à la tragédie humaine: que la vie est faite de troubles, de circonstances chaotiques, de bataille et d'échecs? Est-ce que la Vérité à fini par crever enfin? l'absolu étouffant et claustrophobique aurait-il fini par s'ouvrir pour laisser place, enfin, à plus de sens, plus de différences, plus de perspectives?

Mais pas plus de courage. On reste dans le virtuel là. Échec.

Je vais aller prendre une bière, ça va me passer.

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