10/08/2007

L'habit ne fait pas le moine! - Partie 4

Un jour, un sage au déhanchement magique et à la vive voix, dit au monde ses quatres vérités. C'est bien dommage pour l'humanité, car trois de celles-ci furent à jamais perdues dans le tumulte humain. La seule qui nous soit parvenue entière est connue d'au moins deux générations. Je dois vous mettre en garde. Cette vérité, ce secret dis-je, a subit une mutation qui semble anodine mais qui est lourde de conséquences pour nous tous. Des lamentations étouffées d'un vieillard déçu et assoiffé, cette vérité est vite devenue un dogme qui forme les remparts de nos quotidiens de célibataire et de chercheurs de Klondike amoureux. Ce secret, que je tarde à vous partager, se résume dans une contine:

«I can't get no, oh no no no
hey, hey, hey that's what I say.

I can't get no satisfaction,
I can't get no girl reaction
Cause I try, and I try, and I try and I try
I can't get no, I can't get no»

C'est le Péril Jaune de L'Éternel Insatisfait.

S'il ne se trouve pas aux extrèmes du spectre amoureux (c.f: le Grand Ténébreux et la Vedette Locale), le vide existentiel de l'Éternel Insatisfait est tout de même très puissant. Contrairement à ses deux homologues dont les tactiques se résument à transformer leurs malaises existentiels en stratégies taillées pour séduire un ou l'autre des besoins féminins, l'Éternel Insatisfait est un pur égoïste. Il n'a pas le panache d'un artiste et de son sombre alter ego, ni celui plus énergique de la Vedette Locale, qui sont d'emblée plus facilement identifiable. L'Éternel Insatisfait ne produit rien, il n'incite pas à agir, il ne produit pas d'énergie, il ne fait qu'en prendre, tel un vampire des temps modernes.
Alors que les ténébreux et les vedettes ne sont que de petits pervers caricaturants des appétits naturels en leurs donnant une valeur qu'ils ne possèdent pas véritablement, les Éternels Insatisfaits sont toujours assoiffés de quelque chose.
Inspirés par Tantale, l'Éternel Insatisfait est à la remorque de son vide existentiel, ce qui se traduit par un idéalisme du besoin, véritable philosophie du «ça devrait être» ou ascèse du «ce n'est pas tout à fait ça».

Un petit détour vers nos classique de la mythologie s'impose.

Tantale était ce roi Phrygien que les dieux de l'Olympe avait invité à un souper entre amis. Après avoir goûté de la nourriture des dieux, ambroisie et nectar, Tantale devînt un immortel et un infatigable dandy. Le premier de l'Antiquité en fait. Maintenant dans le secret des dieux, Tantale avait un fort penchant pour les mondanités et les banquets branchés où il pouvait impressionnés les autres dieux par ses tours et ses stépettes aussi ingénieuses qu'originales. Le mont Olympe ouvrait grandes ses portes à Tantale qui, ensorcelé par la musique des flûtes des Ménades et par l'orgie dionysiaque des trendy et des party goers, se métamorphosa en un être crépusculaire qui ne vit que d'événements populaires: Un trend-setter. Je vous épargne les détails horribles des sacrifices que Tantale dû exécuter pour satisfaire son besoin de ne jamais rien rater. Il suffit de dire que les dieux, las et péniblement ennuyés, projetèrent Tantale dans les eaux d'un fleuve avec seulement sa tête qui crevait les eaux. Chaque fois que celui-ci avait soif, le cours d'eau s'assèchait et le supplicié devait rampé dans la boue. Au-dessus de sa tête, on avait fait pousser un arbre à fruit particulièrement invitants mais dont les branches s'éloignaient de sorte que Tantale ne pouvait non plus se nourrir. Pour un immortel, cette situation est franchement gênante.

Réjouissons-nous alors que l'Éternel Insatisfait soit mortel.

Contrairement aux Grands T. et au Vedettes L., visibles de loin parce qu'un peu ridicules et caricaturaux, l'Éternel Insatisfait se reconnaît par ce qu'il nous fait ressentir: Une sensation de ne pas être tout à fait ce qu'il souhaite ou de n'être pas tout à fait idéal. Par définition, l'Insatisfait se présente bien puisqu'il ne souhaite que la satisfaction. Conséquemment, cette recherche se concrétise par l'achat de gréments très «design», voire branchés, mais pas nécessairement utile. Il ne suffit pas que le grément soit coûteux, simplement qu'il satisfasse le besoin de dandisme de l'insatisfait.

N'allez pas croire que ce dernier s'encombrera d'une cours à scrap. Son vide existentiel est plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, comme pour ses deux autres «collègues», la réalisation complète de l'insatisfait passe par un besoin d'authenticité qui ne peut être comblé que par le cercle social de l'insatisfait. C'est normal, c'est un dandy et en tant que tel, il dépend profondément de ceux qu'il fréquente. Cette dépendance est généralement ressentie par celui ou celle que l'Insatisfait fréquente. La tactique de ce dernier consiste plus à camoufler, à détourner ou à banaliser le sentiment de culpabilité qu'il génère, qu'à donner l'impression que sa nouvelle blonde est soit sa planche de salut (GTe), soit celle spéciale entre toute(VLo). Un Éternel Insatisfait compétent s'avère être un redoutable crosseur puisqu'il opère sur sa compagne une métamorphose en trois étapes:

Premièrement, elle ressent une vague sensation de culpabilité ou un doute lancinant sur sa capacité à donner du plaisir. Éventuellement, cette sensation produit le retrait de la fille qui sent que l'insatisfait ne tient pas à s'impliquer sérieusement puisqu'il ne semble pas jouir complètement de la relation. Pour ce dernier, cette situation est insupportable car il craint par-dessus tout d'être seul. Rappelons que pour l'Éternel Insatisfait, être seul en amour est synonyme d'inexistence. Il cherchera alors à corriger cette sensation de culpabilité en initiant la deuxième étape, soit: La Correction.

La Correction, c'est le processus par lequel l'Insatisfait arrive à retenir sa femme près de lui. Il s'agit de transformer le sentiment de culpabilité en faisant appel au sens de responsabilité de la femme. Une petite digression s'impose.

L'instinct maternel de la femme, si on le transpose dans la relation de couple, fait souvent d'elle une femme dévouée, donc «responsable» de son homme. Tenir un couple a quelque chose de «professionnel» pour une femme, cela demande un savoir-faire et une expérience que les femmes acquièrent plus rapidement que les hommes. La dévotion d'une femme amoureuse est proverbiale. Assez pour que les bon gars, les hommes assumés, corrects, mâles, etc. se demandent très souvent pourquoi unefemme de grande qualité mettra autant de temps sur un crisse de zouf inconsidéré et ingras, avec des problèmes de confiance en soi et une ostie de manie à devenir tout aussi épais qu'ivrogne ou pire encore, métrosexuel.

Enfin, la Correction consiste en ceci que l'Éternel Insatisfait parvient sournoisement à faire appel à une source d'énergie infinie dont la raison d'être est de lui garantir un revenu constant de petites satisfactions. Notons qu'il ne s'agit pas de LA satisfaction, ni DU contentement relatif à une vie de couple saine et riche. Cette source d'énergie ne fait que lui garantir que sa blonde ne le laissera pas à son triste sort, qu'il ne sera jamais seul, donc qu'il sera toujours satisfait au minimum. Or, être «satisfait au minimum» c'est le synonyme du «pas tout à fait» et du «ça devrait être». L'Éternel Insatisfait arrive ainsi à justifier son état sans compromettre son authenticité, son intégrité ou sans courir le risque d'être seul et d'inexister. Il peut continuer à nourrir son vide existentiel sans fin et sans lui faire face. Il peut continuer à vivre en pissou sans avoir à rendre des comptes et sans avoir à devenir un homme car cette carence en masculinité sera comblée par une Femme Dévouée.

À la troisième Étape, soit en phase terminale de Correction, la Femme Dévouée atteinte de MUDs aigü, sera transmutée en une source presque intarissable de dévotion mais le besoin de satisfaire son chum aura remplacé son instinct maternel. Comme on détourne une rivière en dénaturant son cours normal, la femme ainsi dénaturée croira que sa relation «pourrait marcher si...», que «le contact ce fait mais...». Toujours insatisfaite du résultat de ses efforts, elle cherchera à en donner toujours plus. À ce stade-ci elle voudra savoir qu'est-ce qu'elle peut faire pour assurer la survie de la relation, elle gèrera son agenda pour assurer des moments de qualités et changera ses habitudes pour être certaines d'être présente au cas où elle raterait une occasion de sauver son couple. Il va sans dire que l'Éternel Insatisfait jouit ici d'une victoire complète et totale puisque sa copine assumera inconsciemment toutes ses demandes énergétiques et existentielles.

C'est généralement ici que l'Éternel Insatisfait aura un penchant pour la fuite. Pour faire simple, l'Éternel Insatisfait souhaite avoir le plus en faisant le moins. C'est normal, la quête de la satisfaction complète ne saurais souffrir des efforts que représente un véritable travail. L'Insatisfait aura donc généralement un petit air «baba cool», détendu et à l'aise. Or, la Femme Dévouée, si elle ne demande pas d'explications ni de comptes à la donnant-donnant, recherche des indices de résultats. C'est normal puisqu'elle fournit des efforts incessants. Cette recherche est désintéressée. Elle ne vise qu'à permettre à la Femme Dévouée de raffiner ses techniques de «satisfaction», mais dans la perspective de l'Insatisfait, c'est différent. En effet, de son point de vue d'homme mou et paresseux, cette recherche représente une pression supplémentaire puisque pour se prévaloir de la Femme Dévouée, il doit se montrer satisfait. Au début, il est hyppocrite, il jouera le jeu. À la fin, il se détournera en prétextant le besoin de vivre seul pour réfléchir.

C'est faux. Il peut réfléchir autant qu'il veut puisqu'il n'a qu'à le signifier à sa Femme Dévouée qui s'affairera alors à lui donner du temps de réflexion. Il le sait, il vous niaise, il ne veut que faire bonne figure.

En fait, il bat en retraite. Il ne désire pas l'introspection et dans sa fuite, il cherche la prochaine victime.

Et ainsi de suite jusqu'au prochain événement populaire.

Et son Ex, quant à elle, se retrouve les yeux dans l'eau, le coeur dans la flotte et un amour frustré, en état d'échec avec en prime le doute persistant que ce n'est pas fini, qu'il va revenir, qu'elle n'a pas été assez à l'écoute, qu'elle a trop demandé, et tout les autres symptômes d'une femme vidée de sens par un maudit gnouf qui en veut toujours plus.

***

Plus j'écrivais, plus j'ai pris conscience que ce texte allait s'avérer plus complexe que ce à quoi je m'attendais. Ces archétypes là commencent à me faire réfléchir sur moi-même et ça me demande de plus en plus d'effort! Si le ton est plus sérieux que d'habitude, c'est parce que mon objectivité est de plus en plus atteinte. Au début de mon blogue, j'écrivais au JE, ensuite ma posture biographique a lentement fait place à un aspect romancé et fictif de ce même JE qui devenait plus un personnage ou une caricature que mon JE véritable. Là, mes caricatures provoquent un courant alternatif. Le narrateur n'est plus ce JE, mais l'auteur devient attentif aux différents JE du narrateur. C'est vraiment une étrange sensation.

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