25/03/2008

Traumatisme Littéraire


Il y a de ces textes dont la substance bouleverse. Généralement, les écrivains veulent bien écrire et cette pudeur trahis leur manque de substance et/ou de réflexion. D'un point de vue de lecteur, cette absence de profondeur passe bien puisqu'en général, il ne veut plus penser ou réfléchir, il veut se divertir ou pire...se faire divertir. Les tablettes en son pleines de ce monde là, c'est ce qui m'a détourné de la littérature. Ça et le damné formalisme des études littéraires.

Rarement, très rarement, je tombe par hasard sur des pensées dont la force surpasse la lucidité de leur auteur. Dans ces moments là, la conscience enfle et le langage devient à peine adéquat pour contenir l'inflation. Comme si l'univers venait de prendre une profonde respiration. Dans ces cas-là, les textes que j'ai lu sont à cheval entre les genres: poésie, prose, récit, philosophie, science. La poésie ouvre la langue et le symbolisme qui en découle comble les besoins du langage ordinaire. La prose organise le symbolisme et lui donne un cadre sans lequel la poésie peut se cristalliser en idée dont le dynamisme ne peut se concrétiser qu'à l'intérieur d'une forme mobile; le récit. Or, celui-ci raconte non pas une histoire, mais un concept avec ses hauts et ses bas, qui s'incarne, à travers ses épreuves, en mouvement critique qui doit commande à l'action...c'est la philosophie. Et cette action, cette démolition des vieilles idées, offre une nouvelle perspective, une description neuve de la réalité: c'est la science.

Des textes comme ceux-là, il y en a très peu dans mon horizon littéraire.

Il y a eu Hubert Aquin, Italo Calvino, Bataille, Sénèque, Cioran et peut-être Blanchot, peut-être Primo Levy...

Aujourd'hui, dans l'autobus, je me suis mis à rire tout seul à la lecture du Bréviaire du Chaos de Albert Caraco. Je vous donne une page. Si vous trouvez ça trash et c'est tout, vous passez à côté de quelque chose...c'est du nihilisme appliqué, c'est fait pour rester dans le fond du lac, c'est le genre de chose que je me fais tatoué sur le génie.

«Les hommes sont à la fois libres et noués, plus libres qu'ils ne le souhaitent, plus noués qu'ils ne le discernent, la foule des mortels se composant de somnambules et l'ordre n'ayant jamais intérêt à ce qu'ils sortent du sommeil, parce qu'ils se rendraient ingouvernables. L'ordre n'est pas 'ami des hommes, il se borne à régenter, rarement à les policer, plus rarement encore à les humaniser. L'ordre n'étant pas infaillible, c'est à la guerre qu'il appartient un jour de réparer les fautes, et l'ordre les multipliant de plus en plus, nous allons à la guerre, la guerre et l'avenir semble inséparables. Telle est l'unique certitude: la mort est, en un mot, le sens de toute chose et l'homme est une chose en face de la mort, les peuples le seront pareillement, l'Histoire est une passion et ses victimes légion, le monde, que nous habitons, est l'Enfer tempéré par le néant, ou l'homme, refusant de se connaître, préfère s'immoler, s'immoler comme les espèces animales trop nombreuses, s'immoler comme les essaims de sauterelles, et comme les armées de rats, en s'imaginant qu'il est plus sublime de périr, de périr innombrable, que de le repenser enfin, le monde qu'il habite».


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